dimanche 20 février 2011

LE CONSEIL GÉNÉRAL COMME SI VOUS Y ÉTIEZ. (Tome 1)


Je vous propose dans cette rubrique la retranscription de mes principales interventions en séances publiques du Conseil Général (pendant les sessions). Vous verrez qu’elles sont nombreuses, de thèmes variés, de politique départementale, du canton de Marans. Ces interventions ont donné lieu à des débats que je vous joins aussi en grande partie et à des articles de presse. Le canton de Marans et son Conseiller Général ont très souvent été médiatisés ( télé, radio, presse), sortant notre territoire de l’anonymat et de l’oubli.

Le premier tome de la série est la retranscription d'une de mes premières interventions, en octobre 2004, sorte de baptême du feu. J’avais choisi la politique de l’eau menée par le Conseil Général au seul profit des irrigants et au mépris des autres usagers.    Prenez le temps de le lire ; et la suite  arrivera bientôt…



Monsieur le Président, Monsieur le Préfet, chers collègues.


 Cette année, dès le mois de juin, des mesures de limitation d’eau émanant de la préfecture pleuvent sur notre département. Niveau d’alerte 1 pour le bassin de la Sèvre et niveau d’alerte 2 pour le bassin de l’Aume-Couture le 23 juin.
Quelques jours plus tard, le niveau d’alerte 2 était atteint pour le bassin de la Sèvre. Ceux du Mignon, de la Seudre et du Lary-Palais atteignaient le niveau 1 le 29 juin.
La première alerte de niveau 3 était atteinte le 2 juillet pour le bassin de l’Aume-Couture et ainsi de suite, la situation s’empirant inexorablement ; amenant M le Préfet à diffuser fin juillet dans toutes les communes du département une affiche pour sensibiliser l’ensemble des citoyens sur les gestes et comportements à adopter pour économiser la ressource en eau. Au bas de la notice accompagnant l’affiche, M le Préfet écrivait à la main : « L’eau est une ressource précieuse. A nous tous de l’économiser et de la protéger ».
Le niveau d’alerte 4 atteint le bassin de l’Aume-Couture et celui du Né le 3 août, celui de la Boutonne le 5 août.
Seulement 2 bassins n’étaient pas concernés par des mesures de restriction de prélèvements le 10 août : ceux de l’Arnoult et des fleuves côtiers de la Gironde.
Et la pluie arriva mi-août se substituant à l’arrosage mécanique mais poussant de nombreux estivants à regagner leur résidence principale.

Nous connaissons cette pénurie chaque été depuis une dizaine d’années avec ses restrictions et ses assecs de rivières . Elle va perdurer et même s’accentuer.

La directive Cadre Européenne nous demande d’atteindre un bon état écologique de nos masses d’eau en 2015.
Une eau de qualité et abondante dans 10 ans ! 
L’état des lieux effectué par les deux agences de l’eau couvrant notre territoire classe la majeure partie de nos masses dans  la catégorie « doute quant à la probabilité de respect des objectifs de la DCE » ou pire, dans la catégorie « délais / actions supplémentaires » c’est dire l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir !
Malgré les efforts de la profession agricole, les pollutions aux nitrates et aux pesticides continuent à progresser.

Ce constat, Monsieur le Président Belot l’approuve dans son rapport  n°348 que vous avez pu lire dans le tome deux des documents remis pour cette cession.
 Il nous demande d’émettre un avis de principe favorable sur les deux documents dressant l’état des lieux en ce domaine, tels qu’énoncés par les Comités de Bassin Adour Garonne et Loire Bretagne. Nous l’approuvons nous aussi.

Cependant, Monsieur le Président ajoute «  qu’il demeure essentiel de poursuivre la politique de stockage des eaux excédentaires hivernales ( retenues de substitution ou création de barrages réservoirs importants -Trézence notamment). »

Cette prise de position de l’exécutif départemental nous conduit à nous poser  la question des causes de ce manque d’eau qui devient chronique dans notre département .

0n évoque canicule, sécheresses à répétition mais si c’était à cause de prélèvements trop importants dans le milieu ?
Pour quels usages prélève-t-on l’eau dans notre Région ?
  • Pour l’industrie ( 8%)
  • Pour l’usage domestique ( 30%)
  • Pour l’agriculture et surtout l’irrigation ( 62%)

Plus de la moitié des prélèvements d’eau servent à l’irrigation des cultures, et en plus, ces prélèvements ont lieu l’été, lorsque la demande en eau potable est aussi plus importante à cause de l’augmentation de la population estivale liée au tourisme.

A quoi sert cette irrigation ?
La DDAF nous donne la réponse :
Trois hectares irrigués sur quatre  sont du maïs .
Les surfaces irriguées ont progressé de 42 600 ha en 1988 à 66 000 ha en 2000. Elles marquent une pause depuis.

Pourquoi irrigue t-on le maïs ?
Le maïs est une plante très sensible au stress hydrique. Sous notre climat charentais, seules les vallées des rivières et les marais permettent sa culture en sec mais avec un rendement moyen pour la Charente Maritime de 60 quintaux à l’hectare en 2003 . Ailleurs, il faut arroser pour maintenir un rendement très important ( 95 quintaux à l’hectare en moyenne pour la Charente Maritime en 2003 ) et pour assurer la régularité de récoltes.
Notre département n’est pas aussi idéal que l’on pourrait le croire pour la culture du maïs : il y fait chaud en été bien sûr, mais aussi il fait sec ! Et notre sol calcaire a un très faible potentiel hydrique.
Irrimieux nous indique qu’en Charente Maritime le potentiel hydrique de nos plaines en juillet août n’est que de 3 jours alors qu’il est de 8 jours dans les Landes et de 10 jours dans le Gers, deux départements plus doués par la nature pour produire du maïs.

Il faut arroser beaucoup : de 1 400 à 2 400 m3 par hectare suivant les exploitations.
De plus une prime spécifique est attribuée au maïs irrigué.

A quoi sert ce maïs ?
La Charente Maritime a produit en 2003 :  399 000 tonnes de maïs grain irrigué et 144 000 tonnes en non irrigué.
Ce maïs sert presque exclusivement à la consommation animale. Il n’induit que très peu d’emplois pour sa transformation, à part ceux crées pour son transport et son stockage.
Son poids économique est essentiellement dû à sa production.

Par contre la monoculture du maïs est un facteur important de pollution de l’eau, notamment par les nombreux traitements nécessaires au bon développement de cette plante.

Plutôt que d’investir beaucoup d’argent public dans la construction de barrages ou de réserves de substitution, je vous propose d’aider les maïssiculteurs irrigants à se sortir de cette fuite en avant qui nous mène au non respect de la Directive Cadre sur l’Eau.

Il faut être cohérents dans nos actions : si nous encourageons l’agriculture hyper productiviste il ne faudra pas plus tard se plaindre de la présence de pesticides dans l’eau ou dans l’air. Ce ne sont pas que les jardiniers amateurs et les cantonniers qui déversent des pesticides dans notre environnement !
Nous savons que la France est le troisième utilisateur mondial de pesticides avec environ 100 000 tonnes par an dont 90% en agriculture.
Il est logique d’en retrouver partout. Et il est logique aussi que nous soyons inquiets de leur effet sur la santé de nos concitoyens !
La Cour des Comptes dans son rapport de février dernier notait que 9,2 milliards d’euros d’aides ont été versés entre 1997 et 2002 sans que la qualité des eaux ne s’améliore et elle concluait que les aides, financées pour les trois quarts par les ménages, vont à l’encontre des principes fondamentaux du droit de l’environnement que sont le principe de l’action préventive et le principe pollueur payeur. Les agriculteurs qui consomment 62% de l’eau, acquittent 1% des redevances versées aux agences de l’eau et reçoivent neuf fois plus d’aides qu’ils ne versent de taxes.

Nous ne sommes pas des « anti-agricoles », nous respectons les agriculteurs ; mais nous respectons tous les agriculteurs ; qu’ils soient éleveurs, céréaliers, viticulteurs, maraîchers, adeptes de la polyculture, agriculteurs bio… Ils ont tous besoin d’aides pour vivre décemment en faisant ce noble métier.
C’est pour cela aussi que nous vous demandons de ne pas réserver de sommes trop importantes de notre budget départemental au seuls irrigants.

Comment aider les irrigants ?

Nous vous proposons de favoriser  la diversification des cultures, en incitant les agriculteurs à remplacer tout ou partie de leur sole de maïs par des cultures sèches ou demandant une plus faible irrigation : par exemple de la fèverole (2 tours d’eau suffisent et elle convient bien pour l’alimentation du bétail), lupin, pois, sorgho…

D’introduire des parcelles de cultures persistantes dans l’assolement : trèfle ou luzerne.

D’encourager la meilleure maîtrise de l’irrigation : on voit encore trop souvent des arrosages en plein milieu de journée par forte chaleur, arrosage de routes…

De redonner aux fonds de vallées leur rôle de réserve naturelle d’eau en ne les drainant plus pour effectuer des semis de printemps.

De favoriser  les systèmes d’élevages basés sur l’herbe et les mélanges herbe- légumineuses qui sont une véritable alternative au système actuel maïs-soja.
Ces systèmes nécessitent moins d’intrants et sont rentables.
Une étude réalisée à partir de 75 fermes du Grand Ouest met en évidence une économie de 24 euros par millier de litre de lait par rapport au système conventionnel. En plus, moins d’intrants, c’est moins de pollution. Ces rotations longues et la permanence des prairies entretiennent la production d’humus. Et cerise sur le gâteau, ce type d’élevage crée 10% d’emplois et permet à un jeune de reprendre plus aisément ce genre de ferme qu’une exploitation où le capital est plus élevé.

Ces mesures permettront aux agriculteurs de moins dépendre du maïs irrigué car son avenir économique est plus sombre qu’il n’y paraît.
Déjà les prix des céréales ont perdu 12,7% en 2004 alors que le prix des intrants a augmenté de 4,6% ( source : Agreste du 01 10 04). La tonne de maïs valait 100€ la semaine dernière à La Pallice.
L’entrée de la Hongrie dans l’Union Européenne autre grand exportateur de maïs va amener sur le marché 2 millions de tonnes de maïs à bas prix. Le bilan européen du maïs sera pour la première fois excédentaire, ce qui éloigne de nous le spectre des importations massives de maïs transgénique venant d’Amérique à la première baisse de la production de maïs en Charente-Maritime.
Il faudra compter avec la Serbie et la Croatie, deux grands producteurs de ma¨s auxquels il est accordé d’exporter sans taxes.
La nouvelle PAC avec le découplage des aides et la conditionnalité va aussi faire perdre de l’intérêt à l’irrigation du maïs dans quelques années.

Pour conclure, je vous propose d’être prudents dans la gestion de l’argent public. Les investissements que Monsieur le Président nous propose sont importants et nous demandent une vision claire sur l’irrigation dans les dizaines d’années à venir. Cette vision nous ne l’avons pas . Trop d’incertitudes sur sa position dans la PAC, sur ses effets face aux objectifs de la  DCE existent.
Mettre le doigt dans l’engrenage des réserves de substitution nous conduira dans une fuite en avant ; car, où s’arrêter , chaque agriculteur aura le droit de demander l’accès à l’eau de ces réserves.

Maintenant il va falloir être positif et reconstruire tous ensemble une politique agricole respectueuse de l’environnement, de la santé des consommateurs et laissant à ses acteurs la possibilité de vivre aisément de leur passion pour notre territoire.

Pendant cette intervention, le président Belot a essayé de m’interrompre, sans doute pour me déstabiliser, mais sans y arriver.
Un long débat s’en est suivi mettant en lice  tout d’abord le député Xavier de Roux mettant en avant son plan de gestion de la Charente, puis le sénateur Michel Doublet sur le maïs transgénique, et enfin Roland Beix Conseiller Général de Saint Hillaire de Villefranche qui a soutenu mon intervention : « Nous n’allons pas nous cacher sous la couverture ! Oui, il y a vraiment un prélèvement trop massif par les irrigants, de la ressource en eau, que nous sommes bien incapables, même en faisant référence aux Institutions les plus noblement gérées, d’organiser. La gestion de l’eau est un échec année après année… » M le Préfet nous rappela : « Le préfet est là pour gérer la crise. C’est l’homme des crises. Tous les étés, en effet, mes prédécesseurs comme moi-même cet été, nous nous sommes efforcés de gérer la crise en fonction des normes fixées non pas par l’Etat, mais par ses partenaires, il ne faut quand même pas l’oublier…. »

Le débat complet fait 12 pages….
                           Bassine en construction sur la commune de FERRIERES.

Bernard Ferrier cible les cultures irriguées
Téléchargez le document ci-dessous
(Sud-Ouest, édition du 20 octobre 2004)